Le plaidoyer des ingénieurs hospitaliers et territoriaux pour un statut commun
Plusieurs représentants des ingénieurs territoriaux et hospitaliers demandent au gouvernement de doter les cadres d’emplois de ces agents de dispositions statutaires communes. Objectif : améliorer la mobilité entre les deux versants, mais aussi bousculer certains conservatismes propres à la fonction publique.
Fluidifier et faciliter la mobilité des ingénieurs territoriaux et hospitaliers. C’est l’objectif de plusieurs de leurs représentants, qui viennent de solliciter le gouvernement afin de doter les ingénieurs de la territoriale et de l’hospitalière de dispositions statutaires communes.
Une initiative – inédite – qui vient d’être formulée dans un courrier du 15 mars signé conjointement par le vice-président du Syndicat des manageurs publics de santé (SMPS, affilié à l’Unsa Santé-Sociaux), la secrétaire générale de l’Unsa Territoriaux et les présidents de l’Association des ingénieurs territoriaux de France (AITF), de l’Association des ingénieurs hospitaliers de France (IHF), de l’Association nationale des cadres et experts techniques hospitaliers (H360), de l’Association française des ingénieurs biomédicaux (AFIB) et de l’Association nationale de l’ingénierie en organisation hospitalière (ANIORH).
Dans cette lettre adressée au ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin*, ceux-ci réclament ainsi que les ingénieurs qu’ils représentent puissent bénéficier d’une disposition introduite par l’ordonnance du 13 avril 2017 portant diverses mesures relatives à la mobilité dans la fonction publique. Prise sur le fondement de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, cette ordonnance supprime en effet plusieurs obstacles à la mobilité des agents publics en offrant la possibilité de régir par des dispositions statutaires communes, fixées par décret, des corps et cadres d’emplois de fonctionnaires “relevant de la même catégorie et d’au moins deux” des trois versants de la fonction publique.
“Nos implications respectives à la mise en œuvre des réformes territoriales dans nos versants nécessitent le déverrouillage des freins existants”, soulignent les représentants dans leur courrier pour justifier leur demande d’une “définition statutaire commune” aux ingénieurs des deux versants. Les mobilités seront ainsi “permises, choisies et enrichissantes, avec à la clé de réels parcours professionnels diversifiés, gage d’attractivité”,ajoutent-ils.
Freins actuels à la mobilité
Si les décrets statutaires des ingénieurs hospitaliers et territoriaux “sont historiquement comparables” et ont suivi les “mêmes évolutions”, leurs délais de transposition ont parfois été générateurs “d’iniquité et de freins à la mobilité”, précisent-ils. Un exemple : depuis l’application du protocole de 2015 sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations (PPCR), la durée du temps passé dans les échelons par des ingénieurs de grades identiques diffère selon qu’ils sont issus de la territoriale ou de l’hospitalière (six mois de plus pour les ingénieurs hospitaliers dans certains cas).
“C’est l’un des obstacles que l’on souhaite voir lever, indique Jean-Marc Novak, vice-président du SMPS, le syndicat à l’origine de l’initiative. Le statut devrait permettre des choses et notamment de faciliter la mobilité des ingénieurs, mais ce n’est malheureusement pas le cas aujourd’hui.”L’occasion pour ce dernier de préciser que leurs revendications de dispositions statutaires communes devraient aussi bien porter sur la structuration des cadres d’emploi des ingénieurs (grades, échelons…) que sur les modalités de promotion et d’avancement ou encore sur la définition des missions des ingénieurs.
Volonté de bousculer les conservatismes
“L’ingénierie dans nos secteurs est tellement complexe qu’il nous fallait faire quelque chose afin de fluidifier les échanges entre nos versants”, souligne Bruno CAZABAT, président de l’association des ingénieurs hospitaliers de France (IHF). Un constat partagé par Patrick Berger, à la tête de l’Association des ingénieurs territoriaux de France (AITF) : “Il faut aboutir à une meilleure circulation des talents, c’est enrichissant tant pour les personnels que pour les établissement concernés”, estime-t-il, tout en avouant la volonté des représentants des ingénieurs de bousculer certains “conservatismes”.
“Avec cette initiative, nous ne nous ferons peut-être pas que des amis, puisque nous appelons à un véritable franchissement des frontières, ajoute Patrick Berger. Nous ne sommes pas dans cette défense de chapelles où certains peuvent avoir tendance à renvoyer les fonctions publiques entre elles, bien au contraire, l’articulation entre nos versants doit être accrue.” Le vice-président du Syndicat des manageurs publics de santé (SMPS), Jean-Marc Novak, parle même d’une “petite révolution, qui bousculerait l’idée même d’un corporatisme qui bloque parfois certaines réformes statutaires”.
Faisabilité suspendue
À l’heure actuelle, les représentants des ingénieurs territoriaux et hospitaliers n’ont pas obtenu de réponse du ministre à leur demande. Pour aboutir, celle-ci devra néanmoins être précédée de la ratification par le Parlement de l’ordonnance d’avril 2017 ouvrant la possibilité de mettre en place des dispositions statutaires communes à des cadres d’emplois de la fonction publique. Une ratification qui se fait toujours attendre… Le projet de loi ad hoc a été déposé le 4 octobre dernier et renvoyé à la commission des lois de l’Assemblée nationale dans la foulée. Son examen n’est toujours pas inscrit à l’ordre du jour des chambre parlementaires.
Les représentants des ingénieurs de la territoriale et de l’hospitalière ont en tout cas un espoir : que leur demande permette d’accélérer cette procédure de ratification de ladite ordonnance et, pourquoi pas, de faire des émules dans d’autres corps et cadres d’emplois de la fonction publique. “Dans tous les cas, ce sera une démarche gagnant-gagnant”, insiste Jean-Marc Novak du SMPS.
* La ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, et le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics, Olivier Dussopt, sont également en copie du courrier.