Ingénieur hospitalier : le statut peu attractif pousse les hôpitaux à recruter sous contrat
Un point sur les effectifs et les statuts des ingénieurs hospitaliers : Peu attractif par rapport au statut des collectivités territoriales, les hôpitaux sont souvent obligés de recruter des contractuels.
Le manque d’attractivité du statut de la fonction publique hospitalière pour les ingénieurs a pour conséquence un fort pourcentage de contrats chez les ingénieurs hospitaliers. En 2016, la direction générale de l’offre de soins (DGOS) et le centre de gestion des praticiens et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière (CNG) ont publié une enquête inédite auprès des établissements médico-sociaux et de santé sur la démographie des corps de direction, qui inclut des données sur les ingénieurs et les attachés. Portée sur 5.000 ingénieurs hospitaliers (sur une démographie totale estimée à environ 6.500 ingénieurs), l’étude constate que 59% sont sous contrat et 48% ont un CDI datant de moins de 6 ans.
« La proportion de titulaires n’est que de 41%, contre 59% en contractuel, CDD ou CDI. C’est énorme et spécifique aux ingénieurs. Il n’y a aucun autre corps de la fonction publique hospitalière où il y a autant de contractuels. L’analyse que l’on en fait est qu’il y a un problème d’attractivité du statut. Les établissements veulent recruter des gens compétents, qui ont de l’expérience et une expertise forte. Ils veulent les recruter rapidement mais le problème est que le statut et les grilles ne sont pas intéressantes. Donc pour avoir ces profils-là, ils les recrutent sous contrat. Le contrat permet de proposer un salaire plus important que ce que permet la grille et donc de se mettre en concurrence avec le privé« , explique Jean-Marc Novak, vice-président de la catégorie des ingénieurs et cadres technique du Syndicat des manageurs publics de santé (SMPS).
Certains métiers sont plus touchés par les contrats. Le statut de fonctionnaire concerne 24% des ingénieurs biomédicaux hospitaliers, 72% des ingénieurs en informatique, 14% des ingénieurs en logistique et seulement 11% des ingénieurs en recherche clinique et des ingénieurs biologistes. « Enormément de contractuels ont été recrutés ces dernières années, cela prouve qu’il y a besoin d’ingénieurs. D’autant plus que l’hôpital se technicise. Mais il faut que le statut s’adapte pour recruter ces professionnels, continue Jean-Marc Novak.
Retranscrire dans le statut la réalité du terrain
« Notre statut a été créé sur la base des statuts des territoriaux, mais au fur et à mesure des années, les évolutions des territoriaux ont été transposées aux hospitaliers plus ou moins bien et plus ou moins vite. Nous avons beaucoup de spécialités communes, nous exerçons les mêmes métiers, mais à cause des réformes statutaires qui ne sont pas transposées, il y a des gros écarts de statuts qui posent problèmes en termes de recrutement et de mobilité des territoriaux vers la fonction publique hospitalière« .
Le manque d’attractivité du statut contraint les établissements à des recrutements quasi systématiques sous contrats, plus onéreux, estime le SMPS qui mène donc des négociations, ainsi que les autres syndicats, avec la DGOS pour avoir les mêmes grilles, les mêmes salaires, les mêmes modalités de promotion que le statut des collectivités territoriales.
Selon le syndicat, harmoniser les statuts est d’autant plus urgent que la mise en place des groupements hospitaliers de territoire (GHT) oblige à des fusions et mutualisations de fonctions supports. « Cela permettrait en cas de suppression de poste et fusion de changer d’établissements plus facilement« .
Le statut des ingénieurs hospitaliers n’est pas non plus adapté aux responsabilités que les ingénieurs ont au sein de leur établissement. 45% des établissements répondants à l’étude ont déclaré avoir un ingénieur en position de direction hospitalière.
La mise en place des GHT oblige la mutualisation des fonctions supports (achat, informatique…). Cette mutualisation crée un accroissement des responsabilités sur ces fonctions-là, que le statut devra prendre en compte.
« Face aux transformations des collectivités territoriales et du système de santé, dans le cadre des groupements hospitaliers de territoire, il y a un intérêt pour les deux versants à faciliter la mobilité » de la fonction publique territoriale vers la fonction publique hospitalière et « vice-versa« , explique Jean-Marc Novak.
Vers un statut commun pour la fonction publique hospitalière et territoriale
Les ingénieurs de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP) relèvent d’un décret spécifique. D’après un communiqué des cadres hospitaliers du syndicat FO (CH-FO), l’AP-HP a soumis le projet modificatif du statut de ses ingénieurs à l’avis de son conseil administratif supérieur le 16 mars 2017 puis l’a transmis à la DGOS.
Le CHFO précise que « la DGOS vient de faire réponse à l’AP-HP en proposant d’intégrer les ingénieurs de l’AP-HP dans le décret n°91-868 du 5 septembre 1991 modifié, portant statut particulier des ingénieurs de la fonction publique hospitalière« .
Le statut des ingénieurs hospitaliers a été créé sur le modèle du statut des ingénieurs territoriaux en 1991. Les réformes successives touchant le statut des territoriaux ont été transposées mais plus ou moins bien et rapidement, analyse pour sa part le SMPS.
Mi-mars, plusieurs syndicats et associations d’ingénieurs hospitaliers et territoriaux ont demandé dans une lettre ouverte la création d’un statut commun aux deux versants de la fonction publique, dans un courrier adressé jeudi au ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin.
Pour construire leur demande, les signataires du courrier se sont fondés sur l’ordonnance, prise sur le fondement de l’article 83 de la loi n° 2016‑483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, qui supprime plusieurs obstacles à la mobilité des fonctionnaires et des contractuels au sein de la fonction publique.
« La mise en œuvre de décrets statutaires communs – que nous appelons de nos vœux – permettra en outre de transposer la dernière réforme des cadres d’emploi des ingénieurs territoriaux de mars 2016 aux ingénieurs hospitaliers et aux ingénieurs de l’AP-HP« , pouvait-on lire dans la lettre ouverte, signée par les représentants de l’Association des ingénieurs territoriaux de France (AITF), l’association des Ingénieurs hospitaliers de France (IHF), l’association nationale des cadres et experts techniques hospitaliers (H360), l’Association française des ingénieurs biomédicaux (Afib), l’Association nationale de l’ingénierie en organisation hospitalière (Aniorh), l’Unsa territoriaux et le SMPS.